Je n'ai pas de plan.

A part celui de rater ma vie, apparemment. Allongée sur le dos, les genoux pliés, les mains croisées derrière la tête, je me raconte des histoires. Des vraies, des anciennes, des qui me font doucement sourire, des qui me font trembler le coeur. Et aussi des rêvées, des inventées, des fantasmées auxquelles je finirais par croire. J'ai envie d'écrire, ça fourmille, les mots, les images, comme des nuages qui défilent dans un ciel par grand jour de mistral, tout est réel je le vois juste là, sous mes yeux.

J'attends encore un peu.

Allongée sur le dos, genoux pliés, mains croisées derrière la tête. Les phrases commencent à prendre forme, je les entasse, je les accumule, je les garde auprès de moi. Encore un peu.

Allongé sur le dos, genoux pliés, mains croisées derrière la tête. Je fais rien, je crée le néant, je peins le vide, ce qui n'existe pas et que personne ne voit. Et je suis foutrement heureuse, là, à rater ma vie. C'est juré, je ne suis même pas saoule. Même pas un peu. Pas encore. Je n'ai rien pris, je n'ai rien dis, je souris au plafond, au ciel et aux nuages, aux images qui défilent. Je dois être folle. Oui, ça doit être ça. Une gamine trop rêveuse qui frôle la trentaine. Une fille déconnectée de la réalité. La même qu'il y a 15 ans, à la sortie d'un conseil de classe de 6ème. Première de la classe, félicitations du jury. Votre fille pourra faire tout ce qu'elle voudra. Chirurgien, chercheuse, ingénieur. Et moi, de tirer sur la manche de ma mère "je sais, j'ai choisi, je veux être écrivain". Des bêtises, c'est pas un vrai métier ça.  Mais putain que c'est bien d'être folle et de rater sa vie. Je vous défie d'être aussi heureux. Avec un métier, un vrai de vrai, et un salaire en fin de mois.

Je n'ai pas d'autre plan que ça, rester allongée, genoux pliés, mains croisées derrière la tête. Et le moment venu, quand le cerveau est sur le point d'exploser, m'assoir devant un écran et tapoter sur le clavier. Pour raconter ma dernière évasion.

La fille h.

Horizontale.

Hystérique.

Hispanique.

Hypersensible.

(des)Habillée.

Hachurée.

Hébétée.

Hédoniste.

Hypnotique.

Hallucinée.

Héroïque.

Heureuse.

Hilarante.

Hippy.

Horripilante.

Humaine.

Hurlante.

Hypothétique.

Comme je suis une grande amoureuse des mots et que je me suis amusée à écrire cette petite liste, je me suis dis que je pourrais en faire un sujet de tag (oui, soyons fou, je crée des tags, je n'ai plus de limite).

Je vous défie donc d'écrire une liste d'adjectifs vous correspondant plus ou moins et commençant par la première lettre de votre pseudo de blogueuse. Et faites tourner! 

Les nommées sont: Mona Champaign, l'Inconstante, Bloody Anna, Charlie Dupin, La Carne, Ginie, L'heureuse imparfaite. (on va aussi dire que c'est ma blogroll vu que je suis pas douée...alors, allez lire ces blogs!)

(et si vous trouvez cette idée à chier, vous avez aussi le droit de le dire)

- Il m'appelle par le prénom de son ex.

-Il m'envoie un sms pour dire qu'il arrive dans 1h. 

Puis 1h plus tard, un autre pour dire qu'il sera là dans 1h. 

Et encore 1h plus tard....

-Finalement, il rentre à la maison. Et que la première chose qu'il fait, c'est s'endormir sur le canapé.

-Il ne remarque pas le super boulot que j'ai réalisé sur ma personne en mettant 3h à me préparer.

-Il remarque par contre les deux poils qui se battent en duel sur mon mollet: "Ca pique!". Et le reste du temps, ya personne pour voir à quel point mes jambes sont parfaites...

-J'ai cuisiné un super repas et qu'il "a pas faim" ou quand je veux faire l'amour et qu'il est "trop fatigué".

 -Il dit que je suis une chieuse alors que bordel de merde, je suis la fille la plus cool du monde.

-Il me crois vraiment quand je lui dit que je veux rien de spécial pour mon anniversaire. Et la saint-valentin. Et Noël. Et notre anniversaire.

-Il soupire bruyamment devant The Notebook ou Titanic (et qu'il me prend pour une débile)

-Je fais la gueule et qu'il s'en rend même pas compte.

Il m'arrive de passer des nuits blanches, la nuque moite et le dos parcouru de frissons, rien qu'en repensant à ce que j'ai fait il y a quelques années. Pas une action en particulier, plutôt un ensemble de situations. Des faits divers. Comme on pourrait en lire, tristes et tragiques, résumés en quelques mots, dans le coin d'un journal. J'ai peur de la personne que j'étais, de la personne que je peux redevenir à n'importe quel moment. Cette fille qui monte dans des voitures avec des inconnus, qui dort entre deux portes d'un immeuble, qui passe la nuit à déambuler dans une ville où personne ne l'attend, qui embrasse une fois la première bière évaporée, qui se saoule jusqu'à danser sur la table et qui rentre seule, pieds nus, au petit matin, qui s'enfonce dans des trains sans connaître les destinations.

Je me dis qu'il y un million de choses qui auraient pu mal tourner et que c'est presque un miracle que je n'aie pas fait de mauvaise rencontre, qu'on ait pas retrouvé mon corps dans un fossé, sur le bord du périphérique. Je me mords l'intérieur des joues et lui filerais bien une paire de claques à cette fille, histoire de la faire redescendre sur terre, qu'elle ouvre les yeux, qu'elle réalise un peu à quel point elle fout sa vie en l'air. Je pense à mes parents, à l'inquiétude qui a marqué leur front et qui a gardé leurs yeux ouverts au milieu de la nuit. Au coup de téléphone qu'ils auraient pu recevoir. Et j'ai la nausée.

Je ne sais pas exactement à quel moment j'ai changé et je ne sais pas pourquoi ça s'est passé. Je ne sais pas à quel moment c'est devenu moins drôle. A quel moment un regard un peu trop appuyé ou un homme qui danse un peu trop près m'ont rendue nerveuse. Je ne sais pas quand les mots aventure, romantique, spontanéité se sont transformés en glauque, triste et pathétique. Je crois juste qu'à un moment donné, il n'y a eu plus rien à oublier, à noyer, à enterrer sous de folles histoires. J'ai filé un grand coup de ciseau dans le fil sur lequel je marchais, j'en ai fais une pelote et je l'ai jetée par dessus mon épaule, sans me retourner.

Mais parfois aussi, ce qui me tient éveillée, c'est une autre peur. Celle que tout ça soit fini, derrière moi pour de bon. Une page tournée. Froissé le journal, déchiré en petits morceaux. J'ai peur d'être vieille. Vieille et conne et pleine de barrières. J'ai peur de me fondre dans mon canapé à force d'y passer mes soirées. J'ai peur de ne plus ressentir ce frisson, cette sensation de liberté quand absolument rien ne nous retient, ni la crainte, ni le regard des gens que l'on connait, ni même la honte. Elle n'existe pas la honte quand on est folle et inconsciente. 

Il n'y a que la caresse de la nuit sur la peau.

En matière d'enfant, dès qu'on est en couple depuis quelques années, la question de la famille, des amis, ce n'est pas de savoir si on en veut, mais quand.

Moi, je ne sais pas si je veux des enfants.

L'homme que j'aime n'en veut pas. On en a déjà parlé et c'est plutôt très clair pour lui. Je sais bien qu'on dit que l'arrivée d'un enfant change une personne mais je ne pense pas qu'on puisse changer à ce point. Et d'ailleurs, je ne sais pas si je serais tomber amoureuse de lui s'il avait été différent de ce qu'il est aujourd'hui.

Moi, je ne sais pas. Par réflexe, par conditionnement ou par tradition, j'ai déjà clamé que j'en voulais. Deux, même. Mais en fait, je ne sais pas.

La seule chose que je sais c'est que je ne veux pas être influencée par le choix de l'autre moitié de mon couple. Je ne veux pas me retrouver à 50 ans, pleine de reproches et d'amertumes. Je ne veux pas être en deuil et vivre avec le sentiment qu'il manque quelque chose à ma vie.

Pour le moment, ma vie, je la trouve parfaite. J'aime les soirées à picoler, les weekends passés devant des séries, passer la journée à faire des expériences en cuisine, sauter des repas pour finalement se faire un Mcdo au milieu de l'après-midi, écouter de la musique trop fort et danser sur le canapé, veiller toute la nuit et me lever à midi, j'aime lire en buvant du thé et ne pas répondre au téléphone.

Ce n'est pas ce que je fais tous les jours mais j'aime avoir la liberté de le faire. Je sais qu'on grandit, qu'on se calme, qu'on passe à autre chose, mais pour le moment j'aime ça, j'aime ne penser qu'à moi, ne penser qu'à notre couple, ne penser qu'à nous. J'aime être égoïste. J'arrive déjà difficilement à être responsable de moi-même, à regarder à droite, à gauche, avant de traverser, alors être responsable de quelqu'un d'autre ça me semble fou.

Je sais que les personnes qui ont des enfants ne vivent pas comme des moines mais je n'ai envie d'aucune concession pour le moment.
Pour le moment.

J'ai encore largement le temps d'y penser, j'ai encore largement le temps de changer, mais quand je vois les enfants de mes amis ou de mes cousines, je ne me dis pas que je veux les mêmes, je n'ai pas de pincement au coeur ou de sourire niais accroché au visage.

J'ai aussi peur de vouloir des enfants pour les mauvaises raisons. Pour perdurer les liens du sang, pour mes parents, pour mes grands-parents. En pensant à mes neveux, à comment grandir avec plein de cousins a été chouette. Pour l'enseignement, pour que tout ce que j'ai appris ne disparaisse pas, pour partager tout ce que j'aime, pour transmettre. Pour ne pas être que deux, deux vieux cons, à se regarder en silence, à la fin de la journée, à la vie de la vie. Pour la mémoire, pour qu'il y ait quelqu'un pour me reconnaitre sur les photos dans 100 ans, pour ne pas avoir peur de la mort.
Parce que ces raisons sont tout aussi égoïstes, je pense.

Peut-être qu'un jour, je me lèverais avec l'envie viscérale d'avoir un gosse, avec un creux au fond du bide. Et que ce jour-là, il faudra que je prenne une décision horriblement difficile. Mais pour le moment, je vais continuer à aimer notre vie.
J'espère juste avoir le courage de reconnaitre cette envie quand elle arrivera. Si elle arrive.